LA SIGNIFICATION DES CONCEPTS ONTOLOGIQUES " NEGRO-EGYPTIENS " AKH-BA-KA - JEAN-CHARLES GOMEZ COOVI- CHERCHEUR - PARIS (FRANCE)
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Il s'agit d'une approche sémantique et philosophique, qui tente de rigoureusement définir les concepts ontologiques égyptiens Akh, Ba, Ka. Ces Concepts qui, de l'aveu mêmes des égyptologues occidentaux, résisteraient à une traduction et une interprétation satisfaisantes. De fait, l'étude de ces notions soulève deux difficultés d'ordre méthodologique : 1) En voulant " intégrer " à tout prix les concepts ontologiques égyptiens dans le cadre de l'anthropologie " religieuse " sémitique et Proche-Orientale, des générations d' égyptologues (dont la compétence technique n'est pas en cause) se sont engagées dans une impasse (les travaux de Maspéro, le Page Renouf, Vandier, Englund, Borghouts, Derchain, etc.) Il convient par conséquent en bonne méthode de ne pas isoler l'Egypte ancienne de son contexte négro-africain, ce qui du coup légitime une comparaison des notions égyptiennes avec les faits lexicologiques similaires attestés dans les langues négro-africaines modernes. 2) Par ailleurs, la méthode philologique mise en oeuvre par ces savants ne permet pas de circonscrire le " champ sémantique " couvert par ces notions polysémiques, d'où la tendance à substituer aux vocables égyptiens des concepts " indo-européens " et " sémitiques " supposés équivalents " Akh = esprit " ; " Ba = Ame " ; Ka = Double " (cf Maspéro, 1878, P.77-91) ou à décréter, le cas échéant, qu'ils sont " intraduisibles " (cf Englund, 1978, p.14). Je m'appuie largement sur l'analyse sémique (cf POTTIER ) qui n'est qu'un " domaine " de la sémantique diachronique et structurale pour instruire les données lexicologiques dûment attestées en Egyptien (Egyptien ancien copte) et en Négro-africain moderne. Je me fonde sur le principe d'oppositions binaires pour étudier les morphènes lexicaux recelant une multiplicité de significations en relevant systématiquement les occurrences qui à leur tour s'articulent autour d'un noyau de signification stable. S'agissant du concept Akh, je démontre qu'autour du " noyau de signification " Iakhu (wbb,I,33,3) qui véhicule l'idée de lumière, d'éclat, de lueur et de rayonnement (sous-entendu du Soleil = Ra) s'articulent quatre principales occurences extraites des textes égyptiens eux mêmes (Pyr, Ldm, Ct, etc...) les faits schématiquement résumés sont ceux-ci :
- Occurrence I : Akhu - Splendeur, luminosité, radiance, éclat (du Soleil)
- Occurrence II : Akh - Esprit transfiguré, lumineux, etc
- Occurrence III: Akhu - Défunt transfiguré, glorifié, bienheureux, assimilé aux étoiles circumpolaires impérissables.
- Occurrence IV : Akhu - Initié Supérieur, Ancêtre de l'Au-delà doué de pouvoirs surnaturels. Ces faits lexicologiques se retrouvent tels quels dans les langues négro-africaines modernes :
- Occurrence I : Fang - Akhu ; Kwasio - yaku ; Basa - Kuye, etc.
- Occurrence II : Nuer - Kwoth ; Jukun - Akwa ; Bwiti - (langue des Initiés) Kouck.
- Occurrence III : Sango - Kua ; Yoruba - Ikù ; Mbosi - iku, Ieku etc.
- Occurrence IV : Fongbe - Kutito ; Basa - Nkugi ; Mbosi - Okue ; Myene - Okuyi.
La synthèse de toutes ces occurrences, telle une combinatoire des termes, aboutit à la définition suivante du vocable AKHU : ESPRIT LUMINEUX ET IMPERISSABLE DU DEFUNT (cf Gomez in ANKH N° 3, 1994, page 97). En appliquant aux léxèmes Ba et Ka le même traitement méthodologique, on obtient des résultats tout aussi concluants (cf Acte du Colloque de Dakar). Je propose enfin à la lumière des résultats ainsi obtenus, une reconstitution de la Pensée " Négro-Egyptienne " au sens de Dumézil. Il en résulte que la conception négro-égyptienne de la mort s'oppose radicalement à celle des " Sémites " et des " Indo-Européens " ; Depuis l'Egypte ancienne jusqu'à nos jours, les Négro-africains considèrent la mort comme un " passage " par le défunt jouissant pleinement de son intégrité physique et psychique des profondeurs abyssales vers la métamorphose stellaire. Pour les " Sémites " et les " Indo-Européens " en revanche, la "demeure des morts " est une fosse sinistre où les ombres damnées des défunts errent avant d'être anéanties dans un monde d'oubli et de silence éternels. Il ressort de ce qui précède que la doctrine africaine de l'immortalité de l'âme humaine a été empruntée dès le VI siècle par les Grecs (Thalès, Pythagore, Anaxagore, Platon) tous disciples des prêtres Egyptiens, mais aussi par les Juifs d'Alexandrie qui après l'avoir introduite à partir du troisième siècle dans la Bible hébraïque (Daniel 12,2,3 ; Sagesse de Salomon 3,4) n'ont pas manqué de la transmettre aux deux autres " Religions révèlées " que sont le Christianisme et l'Islam